Internement volontaire ou contre son gré?

Bonjour
Mon époux est en dépression depuis plus d'un an. Problèmes durant son enfance, perte d'emploi, gros problèmes financières et 2 enfants à gérer.
Il est suivie par un psychiatre mais ne se dévoile pas. La vie de famille commence à être très pénible. Je le soutien et je l'aime et je ne veux pas le perdre.
Que faire pour l'aider?
Merci pour votre réponse.

Réponses

  • Bonjour Madame,

    Merci de la confiance que vous nous témoignez au travers de votre message.

    Votre propos semble comporter deux questions distinctes ; une interrogation sur ce qu’il faudrait faire pour aider votre mari qui présente un syndrome dépressif, ainsi qu’une question concernant l’opportunité de mettre en œuvre une mesure d’accompagnement en milieu hospitalier (sous contrainte ou non).

    En premier lieu, je me permets de vous renvoyer à la base de connaissances théoriques sur cette pathologie, présente sur la plateforme MyHandicap (accessible sur ce lien : https://www.myhandicap.ch/fr/sante/sante-mentale/depression/signes-depression/). Ces pages pourraient éventuellement vous aider à mieux comprendre la nature de cette affection, bien que je ne doute pas que vous ayez déjà lu plusieurs choses à ce sujet.

    En ce qui concerne la manière d’aider votre époux, je pense qu’il est le seul à pouvoir vous dire ce dont il a besoin. En effet, comme toute maladie du psychisme, la dépression ne touche pas toutes les personnes de la même manière. Certaines ont besoin d’être « portées » par l’autre au quotidien pour surmonter la situation, tandis que d’autres bénéficient davantage de moments durant lesquels elles peuvent se retrouver seules. Certaines, de leur coté, ressentent le besoin d’être motivées pour faire les choses (ce qu’on nomme « invigoration ») tant la perte d’énergie les empêche d’être à l’initiative. Tout dépend de la personnalité du sujet, de son rythme de vie et de la relation qu’il entretien avec lui-même comme avec les autres.
    Pour vous donner une image, il est possible de percevoir le psychisme de chacun d’entre-nous comme une boule de cristal : en temps normal, celle-ci est relativement lisse car les fragilités sont à l’intérieur et compensées par divers mécanismes psychiques. Il peut cependant arriver, en cas de difficulté importante, que la boule se brise et présente des impacts et des fissures. Ces derniers ne se situent pas au hasard : ils suivent les lignes de faille internes. Ainsi, la personne « décompense » sur un mode particulier (psychotique, névrotique, dépressif…), dans le sens où la difficulté éprouvée l’empêche de compenser ses fragilités comme elle le fait habituellement.
    Pour cette raison, je pense donc qu’interroger votre époux sur ses ressentis et ses besoins est la meilleure voie pour adapter l’aide que vous souhaitez lui apporter. Il est le seul à pouvoir connaître ses difficultés et ce que cette situation douloureuse a réveillé de ses fragilités personnelles.

    De manière générale, il est cependant important d’éviter tout jugement car le syndrome dépressif comporte une grande part de « handicap invisible », c'est-à-dire d’atteintes qui ne se voient pas mais qui agissent tout de même fortement dans l’existence de la personne. Cela se déroule selon sa personnalité mais comporte toujours une grande part de « fatigabilité ». Il est essentiel de saisir que cela ne signifie pas que la personne se fatigue rapidement ou facilement mais plutôt que le ressenti dépressif l’amène à se sentir épuisée avant même d’avoir initié l’action. C’est l’idée d’agir qui décourage et non pas l’action elle-même. Cela peut donner l’impression que la personne devient « paresseuse » ou se « laisse aller », alors même qu’elle dépense une énergie mentale considérable pour ne serait-ce qu’avoir une activité restreinte durant sa journée. En cela, sollicitude et compréhension sont les meilleures armes de l’aidant : il s’agit de trouver le fragile équilibre entre incitation (pour combattre l’inertie dépressive) et respect des limites énergétiques de l’autre, sans jamais lui reprocher son état (le ferait-on avec une personne souffrant d’une maladie physique ?).
    Mis à part ce conseil d’ordre général, je ne peux que vous dire à nouveau que votre mari est le seul à pouvoir déterminer ce dont il a besoin, même s’il ne peut toujours l’exprimer par des mots. Les actes, les attitudes et le relationnel qu’il développe avec vous sont autant de langages qui « disent » quelque chose de lui ; ce quelque chose pouvant vous aider à vous ajuster à ce qu’il ressent.

    Il est également important que vous puissiez vous-même trouver des moments de répit. En effet, outre le fait qu’on ne puisse aider l’autre sans prendre soin de soi-même, le syndrome dépressif comporte un réel impact sur l’entourage de celui qui en est atteint. Je ne peux donc que vous conseiller de vous appuyer sur votre réseau relationnel (amical, familial) ainsi qu’à solliciter l’aide éventuelle de réseaux spécialisés dans l’accompagnement des proches de personnes malades si vous vous sentez trop fragilisée par cette situation douloureuse. A ce sujet, en France, l’UNAFAM propose par exemple des groupes d’entraide pour les proches ; vous pourrez trouver les coordonnées des plus proches de votre domicile sur le site internet de l’association (http://www.unafam.org/).

    Enfin, en ce qui concerne l’hospitalisation, celle-ci peut prendre différentes formes. Il est possible, au sein des hôpitaux psychiatriques, d’accueillir une personne sous le régime de l’hospitalisation dite « libre » (qui dépend donc de la volonté du patient lui-même), sous celui de l’hospitalisation à la demande d’un tiers (généralement un proche accompagné d’un médecin) ou encore sur un régime de contrainte (c’est alors le préfet qui prend la décision, sur avis de médecins experts).
    Il est important de savoir que les hospitalisations les plus favorables aux personnes restent celles qu’elles ont-elles-mêmes décidées, car la démarche de soin suppose en premier lieu un investissement important de la part de la personne qui en bénéficie. Ainsi, si vous estimez qu’une admission dans un lieu de soin pourrait lui être favorable, la première démarche me semble être d’en parler avec lui et de lui demander comment il perçoit cette idée. Ceci n’est valable, bien entendu, que s’il ne présente aucun danger pour lui comme pour les autres. Dans le cas contraire, son médecin traitant (voire les services d’urgence en cas de comportements alarmants) peut être un interlocuteur privilégié tant dans l’évaluation de la dangerosité de la situation que dans la mise en œuvre des différentes procédures existantes.

    En tous les cas, votre préoccupation montre bien tout votre attachement à votre mari et à son bien-être. Je ne doute pas que ceci fait de vous une précieuse alliée dans ce contexte de vie difficile qui est actuellement le sien.

    En vous souhaitant le meilleur, ainsi qu’à lui,

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